Pourquoi la location sur Airbnb est de plus en plus compliquée, surtout en ville ?
Depuis longtemps déjà accusée de faire sortir du parc locatif classique de très nombreux logements, Airbnb, la plateforme américaine de location de courte durée, dont l'activité est forte en France avec environ 500 000 meublés touristiques à son actif, comme dans de nombreuses régions du monde d'ailleurs, fait l'objet actuellement d'une fronde en raison d'une crise du logement qui s'accentue dans le pays.
Principalement implantée dans les grandes villes et régions touristiques qui, en conséquence, subissent une forte tension en matière de logements, Airbnb doit se contraindre à respecter de plus en plus des réglementations destinées à limiter le nombre de ses locations de courte durée avec pour conséquence une offre qui se restreint pour les utilisateurs de la plateforme. Le gouvernement vient également de mettre sur la table un ensemble de mesures qui vont aussi dans ce sens.
Airbnb accusé d'aggraver la crise du logement
La France connait une crise du logement sans précédent, et violente, comme l'a indiqué récemment Véronique Bédague, la PDG du groupe immobilier Nexity, au journal Le Monde, et qui a alerté le gouvernement sur cette situation.
Une crise qui s'explique en partie en raison de la hausse des crédits immobiliers qui sévit depuis des mois maintenant et qui restreint fortement le nombre de prêts qui sont accordés par les banques. Moins d'acquéreurs de biens immobiliers sur le marché est donc synonyme de moins de constructions de logements neufs, et par la même de la raréfaction des biens mis en location.
Une crise du logement qui va aussi être accentuée avec en particulier la fin programmée du dispositif de défiscalisation Pinel mis en place à l'origine pour encourager les ménages à investir dans le locatif, autant dans un logement neuf que dans l'ancien, en contrepartie d'une réduction d'impôt sur le revenu.
Une situation qui a des conséquences importantes sur les propositions de location de logements en particulier à destination des ménages modestes ou des étudiants par exemple, qui vont devoir consacrer une part plus importante de leur budget à leurs dépenses de logement.
Dans ce contexte de fortes tensions sur le marché immobilier, et en particulier sur le marché locatif, Airbnb, la plateforme américaine de location de courte durée, est montrée du doigt, accusée d'encourager les propriétaires de biens immobiliers à proposer leurs logements à la location courte durée plutôt qu'à des ménages qui recherchent un logement à louer sur une longue période pour en faire leur résidence principale. Selon des chiffres qui datent de 2021, Airbnb proposait ainsi pas moins de 500 000 logements en location de courte durée dans toute la France.
Les locations Airbnb encadrées et réglementées dans plus en plus de villes
Airbnb n'est pas seulement accusée d'aggraver la crise du logement en soustrayant un grand nombre d'habitations notamment du parc locatif.
La plateforme de location de courte durée est aussi à l'origine d'une fronde de nombreux maires qui tardent à recevoir les taxes de séjour qu'Airbnb doit obligatoirement collecter, comme tout hébergement de tourisme, auprès de ses utilisateurs qui louent leur bien de manière saisonnière.
Une taxe de séjour (due par personne et par nuit) appliquée par de nombreuses communes et qui leur permet de financer des dépenses destinées à favoriser leur fréquentation touristique ou celles relatives à des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels à des fins touristiques. Une manne financière donc non négligeable pour ces communes qu'Airbnb tarde à reverser dans un certain nombre de cas.
Les difficultés rencontrées par des communes à se faire reverser la taxe de séjour due par Airbnb n'est pas le seul motif qui explique les initiatives de plus en plus nombreuses de villes vouées à limiter l'activité de cette plateforme de location de courte durée.
De plus en plus de grandes villes notamment prennent en effet des décisions dans ce sens, accusant Airbnb de limiter fortement les offres de logements en location de longue durée avec pour conséquence un fort déficit sur le marché locatif dans certains territoires, mais aussi la flambée des prix de l'immobilier et des loyers compte tenu des revenus plus importants qu'un propriétaire peut retirer de locations de courte durée qui se multiplient face à ceux moins élevés qu'il peut tirer d'une offre de location classique de longue durée.
La Ville de Paris a ainsi annoncé qu'elle allait interdire la création de nouveaux meublés touristiques dans des zones très demandées par des vacanciers ou des occupants temporaires où les logements manquent pour les ménages qui souhaitent s'établir sur une longue durée, comme c'est le cas dans des quartiers au centre de Paris, le canal Saint-Martin, les Grands Boulevards, les Champs-Élysées ou encore Montmartre.
Une mesure qui est prévue pour être intégrée au prochain Plan local d’urbanisme (PLU) de la ville, qui ne doit cependant pas s'appliquer aux propriétaires qui louent occasionnellement leur résidence principale dans la limite de 120 jours par an, mais uniquement aux loueurs professionnels. Malgré tout, cette restriction aura pour conséquence une baisse de l'offre de location de meublés via Airbnb.
À Paris, ce projet de limiter les locations de courte durée vient notamment s'ajouter à l'obligation depuis 2017 pour les loueurs de biens parisiens de courte durée d'obtenir un numéro d'enregistrement auprès de la mairie de Paris. À défaut, ils s'exposent à des poursuites et à une amende de 5 000 euros, ainsi que la plateforme de location qui est alors redevable de 12 500 euros. Airbnb a ainsi été condamnée à payer 8 millions d'euros à la Ville de Paris en 2021 pour avoir publié un millier d’annonces de location sans numéro d’enregistrement.
Le pays basque se mobilise aussi pour limiter, voire interdire, les locations Airbnb sur son territoire touché par un manque énorme de logements pour ses habitants. 24 communes du pays basque (Ahetze, Anglet, Arbonne, Arcangues, Ascain, Bassussarry, Bayonne, Biarritz, Bidart, Biriatou, Boucau, Ciboure, Guéthary, Hendaye, Jatxou, Lahonce, Larressore, Mouguerre, Urrugne, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Pierre d’Irube, Urcuit, Ustaritz et Villefranque) appliquent ainsi depuis mars 2023 ce que l'on appelle une mesure de compensation qui oblige les propriétaires de meublés touristiques à compenser la perte de logements classiques, occasionnée par la mobilisation de leur bien à des fins touristiques, par un bien de même type cette fois qui doit être loué à l'année.
Une mesure qui doit logiquement entrainer la raréfaction des locations Airbnb dans la région, même si elle ne concerne pour le moment que les propriétaires qui mettent leur résidence secondaire en location de cette manière.
D'autres grandes villes vont encore plus loin. Florence, en Italie, par exemple, une ville très touristique, vient d'adopter en octobre dernier une loi sévère pour contrer la plateforme Internet de location de meublés de tourisme et augmenter l'offre de logements pour ses habitants, les prix de l'immobilier y ayant augmenté de 15 % en 2022 : toute nouvelle location Airbnb dans le centre historique de Florence est désormais interdite.
En contrepartie, la municipalité propose aux propriétaires de ces biens de courte durée des allégements fiscaux pendant 3 ans s'ils transforment leurs locations en baux classiques.
New-York, frappée aussi par une crise du logement sévère, n'est pas en reste pour limiter les locations Airbnb. Des règles contraignantes évoquées depuis plusieurs années vont entrer en application : pour les séjours de moins de 30 jours, les propriétaires n’ont plus le droit de louer un appartement entier. Ils doivent ainsi être physiquement présents dans le logement qu'ils louent lorsque leurs visiteurs y demeurent et ils ne peuvent pas y accueillir plus de deux personnes. Pour louer leurs biens pendant moins d'un mois, ces propriétaires doivent maintenant obtenir un numéro d'enregistrement auprès de la municipalité, à défaut ils encourent une amende ainsi que leur plateforme de location.
On peut multiplier les exemples presque à l'infini tant de villes, de collectifs de citoyens, et même de pays maintenant s'organisent à travers le monde pour réglementer les locations de courte durée dont Airbnb est le leader.
Nul doute que les offres de ce type de locations vont diminuer à l'avenir en particulier dans les grandes villes et les régions touristiques, ou en tous les cas vont être de plus en plus difficiles à trouver dans ce contexte.
Des mesures au niveau national en vues pour contrer les locations Airbnb ?
Dans le but de limiter la multiplication de locations de courte durée type Airbnb qui aggravent la pénurie de logements en particulier dans les zones touristiques, trois députés et un sénateur ont proposé au vote de l'assemblée nationale au printemps dernier un certain nombre de mesures destinées à limiter l'impact de ce type de locations dans les territoires touristiques qui connaissent une forte tension en matière d'offre de logements classiques.
Parmi leurs propositions, ces parlementaires ont avancé la nécessité de réduire à 90 par an le nombre de nuitées autorisées pour la location touristique (aujourd'hui 120 maximum sont autorisées par la plateforme Airbnb) et d'étendre cette obligation aux résidences secondaires. Une fiscalité plus lourde sur les résidences secondaires a également été avancée, ainsi que la mise en place d'une interdiction de louer des meublés touristiques considérés comme des passoires thermiques, une idée aussi proposée par le ministre du Logement en 2022.
Si ces propositions de loi n'ont pas été suivies d'effets jusqu'ici, le gouvernement, par le biais de ses ministres du Logement, du Tourisme et des collectivités territoriales, a toutefois dévoilé cet été une série de 14 mesures visant notamment à réguler le développement des meublés de tourisme et des résidences secondaires, qui auront pour résultat sans aucun toute de réduire le nombre de locations proposées par Airbnb.
Parmi ces mesures sont ainsi évoqués une réflexion sur la fiscalité des revenus locatifs dans le but de favoriser les locations de longue durée ; rendre plus efficaces les contrôles de l'administration fiscale ; aider les communes à développer les résidences principales et à appliquer une réglementation permettant de réguler les meublés de tourisme qui sera renforcée ; ou encore aller vers l'interdiction de location des meublés de tourisme considérés comme des passoires thermiques.
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