Comment contester une procédure d'expropriation ? Quels recours ?
La procédure d’expropriation consiste en la possibilité pour une personne publique (État, collectivité territoriale), à reprendre le bien immobilier d’une personne physique ou morale moyennant le paiement d’une indemnité d’expropriation.
La procédure vise à permettre la construction d’un projet d’utilité publique (route, lotissement, hôpital, etc.) et peut prendre plusieurs années. Les personnes concernées peuvent s’opposer à la procédure ou négocier leur indemnisation…
Comprendre le déroulé de la procédure d’expropriation pour former un recours
La procédure d’expropriation se déroule toujours en deux temps : la phase administrative d’une part, et la phase judiciaire d’autre part. La première sert à démontrer l’utilité publique du projet et la seconde sert à transférer la propriété de la personne expropriée à la personne publique.
La phase administrative
La phase administrative de la procédure d’expropriation se déroule comme suit :
- L’ouverture d’une enquête publique : elle consiste au dépôt du dossier présentant le projet et son périmètre, suivi d’une diffusion dans les journaux locaux et en mairie
- Le prononcé de l’acte DUP (Déclaration d’Utilité Publique) : le commissaire-enquêteur reconnait l’utilité publique du projet et le préfet prononce la DUP, affiché en mairie
- L’ouverture d’une enquête parcellaire : les parcelles faisant l’objet d’une mesure d’expropriation sont identifiées et la commissaire-enquêteur ouvre une enquête, la personne publique informe chaque propriétaire de bien par lettre recommandée
- La prise d’un arrêté de cessibilité : le commissaire-enquêteur approuve les expropriations et le préfet déclare cessibles les parcelles par arrêté, ce dernier est publié au recueil départemental des actes administratifs et notifié à chaque propriétaire par lettre recommandée
Ce n’est qu’après l’arrêté de cessibilité pris que la phase judiciaire peut avoir lieu.
La phase judiciaire
La phase judiciaire de la procédure d’expropriation se déroule comme suit :
- Accord amiable : la personne publique et la personne expropriée tombent d’accord sur les modalités de transfert du bien
- Saisie du juge de l’expropriation : en cas de désaccord, la personne publique saisit le juge qui prononce une ordonnance d’expropriation, elle est notifiée au propriétaire par lettre recommandée
- Le transfert de la nue-propriété : il a lieu dès notification de l’ordonnance d’expropriation, mais la propriétaire exproprié conserve la jouissance du bien
- L’offre d’indemnisation : elle est émise par la personne publique et peut être acceptée par l’exproprié, à défaut d’entente, c’est le juge de l’expropriation qui aura la tâche de fixer le montant de l’indemnité
- L’expulsion de l’exproprié : elle peut avoir lieu légalement un mois après le versement de l’indemnité due à l’exproprié
Les propositions d’indemnisation étant faites aux propriétaires objets d’une expropriation étant souvent en-dessous de la valeur réelle du marché, il n’est pas rare que la procédure soit contestée à plusieurs stades.
Recours contre la procédure d’expropriation
L’article 545 du Code civil et l’article L1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique précisent que la détermination des parcelles faisant l’objet d’expropriation doit être contradictoire, et que l’expropriation doit donner lieu à une « juste et préalable indemnité ».
Contestation durant la phase administrative
Tout propriétaire visé par une mesure d’expropriation sera tenu informé des différentes étapes liées au projet public. En conséquence, il peut porter ses observations du début à la fin de la phase administrative de la procédure d’expropriation. Les recours ne sont pas exclusifs mais cumulables.
Si le projet d’expropriation vise plusieurs propriétaires, il est conseillé de se regrouper pour faire les démarches collectivement. Si le projet ne concerne qu’un seul propriétaire, il est possible de s’opposer seul au projet ou de faire valoir une expropriation partielle, ne visant qu’une partie du terrain par exemple.
Pendant l’enquête publique et parcellaire
La personne expropriée peut faire part de ses réserves pour chaque enquête, à la fois :
- Au commissaire-enquêteur : celui-ci a en charge le contrôle sur place et sur pièce et peut donc émettre un avis défavorable
- En marie ou en préfecture : la personne touchée par une mesure d’expropriation peut consigner ses remarques dans les registres des deux enquêtes
Bon à savoir : un avis défavorable ou des réserves pertinentes n’assurent pas l’arrêt de la procédure, mais peuvent influencer les décisions prises par la suite.
Suite au prononcé de la DUP
La déclaration d’utilité publique est contestable, à compter du jour de son affichage en mairie et pendant un délai de deux mois. Elle peut être prise par arrêté dans le cadre de projets publics de faible ampleur ou sur décision du Conseil d’État pour les projets publics plus importants.
Le recours doit être engagé auprès du Tribunal administratif et est gratuit, sauf si le propriétaire passe par voie d’avocat, dont les honoraires devront bien entendu être payés. Attention, seul le caractère légal de la décision peut être attaqué (vice de procédure, excès de pouvoir, etc.).
Nous vous conseillons de ne pas former de recours suite à une décision du Conseil d’État. En effet, les décisions du Conseil d’État sont très difficilement révocables. Dans les faits, l’intérêt général de ce type de projet l’emporte très largement sur l’intérêt particulier.
Bon à savoir : le recours contre la DUP ne suspend pas la procédure d’expropriation qui suit son cours normal, elle ne fait donc pas gagner de temps au propriétaire exproprié.
Négociation durant la phase judiciaire
Une fois l’arrêté de cessibilité prononcé, il est généralement préférable de négocier habilement plutôt que d’aller au procès. En effet, l’ultime recours pouvant être engagé à ce stade se fait devant la Cour de cassation. Il fera gagner du temps aux personnes visées par les mesures d’expropriation, mais sera coûteux et aboutira défavorablement si la légalité de la procédure ne peut pas être contestée.
Accord amiable sur le transfert de propriété
L’indemnisation proposée par la personne publique n’est pas suffisante au regard de la valeur du bien, des frais de relogement et du préjudice moral subi par la personne physique ou morale expropriée.
L’exproprié propose alors à la personne publique une demande d’indemnisation supérieure et motivée. Celle-ci peut faire une contre-proposition, toujours en phase amiable, ou au contraire notifier une ordonnance d’expropriation.
Recours au juge de l’expropriation
Si l’administration n’a pas répondu ou répondu défavorablement, le propriétaire visé par la procédure d’expropriation peut saisir le juge de l’expropriation pour qu’il fixe le montant de l’indemnité.
Cette procédure est conseillée si l’indemnisation proposée par la personne publique est manifestement trop basse. En effet, le juge de l’expropriation est garant de la propriété privée et au fait de la valeur de marché de l’immobilier.
Outre le prix réel du bien, une indemnité de remploi d’environ 10 % de cette valeur peut être accordée. Elle a pour but de pallier les frais liés au rachat d’un bien similaire pour les particuliers comme pour les professionnels.
Enfin, des indemnités accessoires, visant à dédommager les pertes annexes comme les loyers ou la perte de chiffre d’affaires peuvent être versées au demandeur. Ce n’est qu’une fois l’indemnité fixée par le juge de l’expropriation versée que la personne publique acquiert la pleine propriété de la parcelle.
Bon à savoir : contester la procédure d’expropriation à chaque étape empêche rarement l’expropriation, mais elle est utile pour faire pression sur la personne publique afin de prétendre à une indemnisation correspondant au prix du marché.
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